2. Les pauvres et la résurrection par le P. F. Odinet

"J'étais par terre, et le Seigneur m'a relevé"

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2. Les pauvres et la résurrection par le P. F. Odinet

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Bonjour, je m'appelle François Odinet, je suis prêtre et théologien et aujourd'hui, pour « Éclats de résurrection », je vais vous partager des découvertes que j'ai faites dans une recherche de plusieurs années qui m'a conduit à écrire un livre qui s'intitule « Les premiers ressuscités ».

J'ai commencé cette recherche parce qu’en cheminant avec des personnes qui connaissent la misère, qui ont des vies vraiment difficiles, c'est-à-dire des vies où le manque d'argent, mais aussi des galères pèsent jour après jour durent, s'accumulent, etc. Parfois sur des générations. En cheminant avec ces personnes, j'ai été frappé par la force qu'elles avaient et cela a été pour moi une grosse question de me dire, mais d'où vient cette force ?

J’ai eu l'occasion de lire l'Évangile avec ces personnes, de travailler la Parole de Dieu avec elles. Elles témoignent que la présence de Dieu leur donne de la force, sans naïveté, sans illusions. Mais beaucoup d'entre elles disent : « S'il n'y avait pas Dieu, je ne serai plus là, je ne serai pas debout, mais écrasé ». Il se trouve que théologiquement, on lit souvent l'expérience de la galère et de la misère à partir de la croix et c'est assez légitime.

Mais du coup, comment peut-on interpréter cette force qu'il y a, malgré tout, dans les personnes qui connaissent la misère ? Et alors, ma question de départ était « Est ce que la résurrection du Christ permet d'en rendre raison ? »

Cela arrive que des personnes en précarité parlent délibérément de résurrection et directement de résurrection. Mais c'est plutôt rare.

Je pense à Sophie, qui est une personne que je connais qui a mis beaucoup de temps avant d'obtenir un logement, avant de pouvoir être chez elle. Je me souviens de sa réaction le premier jour où elle est rentrée dans son appartement et où elle a dit « J'étais par terre et le Seigneur m'a relevée. J'étais dans le caniveau et il est venu me chercher. » C'est vraiment ces mots et ça, pour moi, c'est directement une mention de la résurrection. Le fait de dire que Dieu nous relève, c'est ce que dit la Bible quand elle dit ce que nous traduisons habituellement par résurrection.

Parfois, les personnes ne parlent pas toujours de manière à ce qu'on puisse identifier la résurrection, mais elles témoignent de la force de Dieu qui les tient debout, qui les aide à traverser des galères. Parfois aussi, il y a des images étonnantes. Je pense à Marie-Noëlle, qui est une personne de Paris. En commentant sur l'Évangile où Jésus relève un paralytique, elle est très attentive au moment où Jésus dit au paralytique « Lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi ». « Prends ton brancard », elle dit que c'est le signe que Jésus n'a pas seulement fait quelque chose pour cet homme paralysé, mais qui lui donne la force de reprendre sa vie en main et de vérifier par lui-même ce qu'il est capable de faire.

Jésus ne lui dit pas seulement « Lève-toi, rentre chez toi », mais « Lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi. » Et alors, elle prend l'exemple d'un travail. Il faut penser en entendant ça, combien c'est difficile pour des personnes qui connaissent la misère de trouver du travail, de le commencer, de continuer, etc. Et elle dit quand on commence un nouveau travail, quelqu'un peut nous aider en nous permettant la première rencontre avec l'employeur. Mais après, « Prends ton brancard, débrouille-toi ». La force de Dieu, elle nous aide à ça, à déployer ce qu'on est capable de faire, à oser faire ce qu'on est capable de faire. Dieu nous permet de nous rendre compte de ce que nous sommes capables de faire.

Ce n'est pas une mention directe de la résurrection, évidemment, mais cette idée que Dieu nous donne de la force, que Dieu nous permet de déployer les dons qu'il a mis en nous.
Et il me semble que ça témoigne de quelque chose qui est plus fort que les galères, plus fort que la mort sociale, plus fort que la mise à l'écart. Plus fort aussi que l'impression qu’on ne vaut rien. Et à ce titre, parce que c'est plus fort que tout ça, ça dit quelque chose du dynamisme, de la résurrection. Ça traverse ce qui met tellement de personnes par terre.

Les personnes qui connaissent la misère ou la grande pauvreté ont une expérience plus aiguë que la plupart des personnes humaines de ce qui peut peser sur notre humanité, de ce qui peut la détruire.
Les personnes parlent de vies mises en morceaux, vraiment éclatées. Et en même temps, la force dont elles témoignent montre qu'elles sont aussi aux avant-postes pour recevoir le don de Dieu qui fait traverser ce qu'il y a de pire, qui fait traverser ce qu'on n'aurait même pas imaginé. Et parfois, les personnes, avec étonnement, se découvrent elles-mêmes capables de traverser ça, ou qu’elles ont pu traverser ça.

Je dirais qu'elles sont les premières ressuscitées parce qu'elles sont les premières parmi nous, un peu comme les victimes de guerre par exemple, à recevoir ce dynamisme de la résurrection qui traverse la mort. C'est à dire pas seulement qui traversera la mort après notre mort biologique, mais qui traverse la mort aujourd'hui avec le poids d'anéantissement que la mort fait peser sur nous et sur certains et certaines d'entre nous dès maintenant.

Ces personnes sont confrontées à la mort quotidiennement, elles doivent la traverser, et quotidiennement se battre pour vivre ou survivre. Et à ce titre, je pense qu'elles sont les premières à faire l'expérience de la résurrection en tant qu’un dynamisme qui, dès maintenant, fait qu'il y a la vie plutôt que la mort, fait qu'il y a une existence qui continue plutôt que de se laisser écraser, fait qu'il y a des gens qui continuent à veiller sur leur enfant, à essayer de faire du bien plutôt que de se laisser complètement emporter.

Dans notre expérience actuelle du monde, la résurrection n'est jamais un état. Ce n'est jamais quelque chose d'acquis qu'on pourrait posséder. En revanche, la résurrection, c'est un événement au sens où on peut repérer que nous sommes relevés. On peut repérer que nous habitons notre propre vie alors que nous étions comme à l'extérieur de cette vie avant. On peut repérer aussi que nous osons prendre notre place dans l'histoire, alors que tout concourait à nous repousser hors de l'histoire commune.

Il y a un événement, mais il y a aussi un dynamisme, c'est à dire que la résurrection, c'est ce qui aujourd'hui permet de traverser la mort dès maintenant. Et ça, c'est de l'ordre d'un dynamisme. C'est ça qui fait que, selon moi, on peut parler de résurrection alors même que la galère demeure, alors même que les personnes portent leur croix chaque jour et que le poids de la croix pèse très, très lourdement sur leurs épaules.

Et pourtant, elles tiennent, traversent, se soucient des autres, donnent et apportent quelque chose à l'histoire commune et parfois aussi à l'église. Ça, je crois que c'est déjà de l'ordre de la résurrection, au titre d'un dynamisme.
Il y a des vies qui sont anéanties, il y a des gens qui meurent à Paris, il y a des gens qui meurent chaque année dans la rue, dont on ne sait même pas le nom, dont on ne sait rien à part ce qu'un médecin peut constater. Il y a des vies qui sont anéanties et on ne sait pas s'il y a de la lumière dans ces vies. Pour ma part, je suis un peu hantée par une parole de Charlotte, une femme qui vient de la Provence, qui a connu vraiment la galère et qui dit « Moi, j'ai eu la chance d'être sauvée, mais je pense à mes camarades. Il y en a qui n'ont pas été sauvés. » J'avoue que je suis hantée par cette phrase. « Il y a des personnes qui n'ont pas été sauvées. » Il y a des vies dans lesquelles on ne voit pas forcément la résurrection. Et il ne faudrait surtout pas, comme chrétiens, nous qui croyons à la résurrection, car cela nous est donné de croire à la résurrection. Il ne faudrait surtout pas plaquer cette foi sur la vie des autres, sur la misère des autres, sur le malheur des autres. Il n'y a rien de pire que quelqu'un qui, pétri de bonnes intentions, va voir une personne plongée dans la misère en disant « Mais si, Jésus est ressuscité, ça va aller. » C'est une parole qui peut être d'une extrême violence, alors qu'elle vient bien sûr de bonnes intentions.

On ne peut pas imposer le prisme de la résurrection sur les vies des autres. En revanche, cette recherche, elle repose sur une écoute, c'est à dire à la fois sur des groupes de parole où les personnes qui connaissent la misère peuvent parler librement, d'une part, et ensuite sur des entretiens où les personnes peuvent à nouveau parler et s'exprimer.

C'est à dire qu'il ne s'agit pas de plaquer une grille de lecture de foi sur la vie des autres. En revanche, il s'agit d'être attentifs à leurs paroles et d'être capable de reconnaître que, quand même, dans leurs paroles, ces personnes témoignent non seulement de la misère, des galères, de l'oppression, mais aussi de la force de ce qui les relève, des relations, de leur espérance, de leur prière, oui de leurs prières. Elles en parlent beaucoup. Et en étant attentif à cela, cela permet de parler de résurrection sans faire violence à leur parole.
Je crois qu'on peut apprendre des plus pauvres à accueillir la résurrection. En tout cas, à moi, ils m'ont appris que la résurrection n'est pas quelque chose qu'on doit simplement attendre, mais que la résurrection, on doit l'accueillir. C'est présent dans les Écritures. Saint Paul dit « Vous êtes ressuscité avec le Christ » ou à de nombreuses reprises dans les Écritures, on voit que la Résurrection n'est pas seulement quelque chose à attendre, mais quelque chose qu'il nous est donné d'accueillir dès maintenant.

Mais parfois on l'entend dans un sens très individuel, très individualiste, où ce qui compte, c'est moi, moi, moi et Dieu. Il me semble que les plus pauvres nous invitent à nous demander où est ce que la croix pèse le plus lourd aujourd'hui, et à partir des personnes sur qui la croix pèse le plus lourd, accueillir la résurrection telle qu'elle a été donnée. Les théologiens de la libération nous l’apprennent, quand Dieu ressuscite son fils, il ne ressuscite pas seulement un mort, il ressuscite un crucifié, c'est à dire quelqu'un qu'on a tué, qui est mort, de mort violente, qui est mort du mensonge, qui est mort de l'oppression. Et c'est justement lui, qu'on a discrédité pour le faire mourir que Dieu ressuscite. Et donc la résurrection, ce n'est pas seulement dépasser la mort. Pour le dire autrement, la résurrection ne s'oppose pas au vieillissement mais elle s'oppose d'abord à l'anéantissement et à cette capacité terrible que nous avons et que nous connaissons bien de nous anéantir les uns les autres. La résurrection, c'est comme un acte de la bonté de Dieu, mais aussi de sa justice, de Dieu qui travaille à ce que la vie gagne, là où nous, mystérieusement, nous nous employons à mettre la mort.

Parler de résurrection, c'est toujours de l'ordre de la relecture, soit parce qu'on parle d'un événement, et c'est après qu'on se rend compte qu'il s'agissait d'une résurrection, soit parce que c'est un dynamisme dont on se rend compte qu’on en est habité. C'est toujours de l'ordre de la relecture, mais ça peut se présenter, en tout cas dans l'écoute des personnes qui connaissent la misère…
Soit comme une relecture de ce qui vient d'arriver, notamment dans le cadre d'un événement. Des personnes qui disent « Je vais mieux », « J'ai trouvé un logement », « Ça s'est arrangé avec mes enfants » par exemple. Ou bien ça peut être une relecture sur le long terme. Et là, c'est plutôt des paroles comme « Bon, la vie est dure, la vie est très dure, même très difficile, mais grâce à Dieu, je suis encore là. Grâce à Dieu, je tiens le coup. Dieu m'a donné de traverser ça. »
Je pense à Claudine, une personne du Havre, qui a connu une vraie expérience de la misère, de la vie difficile tout au long de son existence et qui aussi se bat contre un cancer depuis huit ans. Et Claudine dit combien Dieu l'aide et combien c'est grâce à Dieu qu'elle tient le coup contre la maladie. Je crois qu'il y a quelque chose du dynamisme de la résurrection là. Mais ça se relie sur une longue période, sur un long combat, on peut dire.
Les personnes insistent beaucoup sur des changements et des transformations relationnelles qui permettent de se relever ou de passer une étape nouvelle ou bien qui permettent de traverser des choses très dures le deuil d'un enfant, l'expulsion hors d'un logement, des choses comme ça… Grâce à la rencontre de personnes qui ne jugent pas et la rencontre de personnes qui sont fidèles.

Je crois ces deux éléments très importants, des personnes qui ne jugent pas des personnes qui sont fidèles. Ces rencontres-là permettent de passer une étape de d'advenir à quelque chose de nouveau. Les personnes dans la galère nous révèlent combien le cœur est lié aux relations qu'on vit et combien il y a des relations qui nous permettent d'accéder à notre cœur et d'y rencontrer Dieu.
Mais combien au contraire, il y a des contextes de brutalité, de violence, de mépris, de délégitimation qui nous barrent l'accès à notre cœur et qui font qu'on peut être comme hors de notre propre vie.
Dans la vie des personnes qui connaissent la misère, la résurrection passe souvent par des relations. Cela change leur manière d'habiter une histoire commune ou surtout, ça les rend capables d'habiter une histoire commune. Alors ça se traduit souvent par la possibilité pour elles de participer à des groupes chrétiens de personnes du quart monde, où elles retrouvent des forces, où elles se sentent aussi légitimées dans leur foi, où elles peuvent exprimer leur foi et la manière dont elles la vivent. Mais plus largement, ça peut se traduire par une combativité, par le fait d'oser face à des choses qui d'habitude les mettraient par terre. C'est à dire que leur manière de faire face aux galères va changer. Leurs manières de se battre au quotidien va changer. C'est important de bien dire que c'est leurs manières de se battre parce que malheureusement, les galères ne s'arrêtent pas du jour au lendemain, hélas. Mais en revanche, elles déploient comme une nouvelle énergie pour y faire face. C’est souvent lié à des relations, soit des relations interpersonnelles, soit des groupes. Elles sont très attentives à cette notion de groupe, de familles dans lesquelles elles peuvent trouver leur place et qui les appuie.
Quand on utilise l'expression résurrection de la chair. On parle en général de ce qu'évoque le credo, c'est à dire du fait que le Christ est ressuscité, lui qui est mort sur la croix, et aussi de notre espérance d'être tous appelés à la résurrection et de vivre la résurrection avec le Christ.

Dans ce livre Les Premiers ressuscité pour les expériences de résurrection des personnes dans la misère, j'ai proposé de parler non pas de résurrection de la chair, mais de résurrection dans la chair. C'est à dire que parler de résurrection, ça marque que notre chair, notre corporéité, est affecté. Et souvent, les personnes dans la misère évoquent leur corps pour parler de ces expériences ou de ce dynamisme. Elles parlent d'un nouveau regard sur leur existence, d'une lumière qui est venue. Elles parlent de se redresser. Il s'agit vraiment de leur corps. Et d'ailleurs, parfois, on est témoin de redressement physique et je peux assurer que ça se voit. Mais on ne peut pas parler de résurrection de la chair au sens où ça, c'est toujours de l'ordre de l'espérance.
En revanche, on peut dire que dès maintenant, notre chair humaine, notre corps, est affecté par ce dynamisme de la résurrection. Et souvent, les personnes qui connaissent les plus grandes galères en sont précisément les premiers témoins, ça marque que la résurrection n'est pas seulement quelque chose que nous devons attendre pour le dernier jour. Il ne s'agit pas du tout de nier cela, mais de dire que cette attente, pour le dernier jour déjà s'avance, déjà s'incarne, et que la résurrection est déjà un dynamisme à l'œuvre dans L'histoire.
Le Christ est ressuscité, il y a 2000 ans et ça a fait se relever ses disciples qui étaient éparpillés, qui étaient perdus. Eh bien, aujourd'hui aussi, pour des personnes dont la vie est tellement difficile, la résurrection, c'est ce qui les fait se relever, ce qui fait qu'elles sont des personnes vivantes et pas seulement des morts vivants.

Les personnes, que je connais, qui traversent la misère, qui la combattent, parlent rarement de la résurrection au dernier jour. Quand elles évoquent leur espérance, elles évoquent la justice, le fait que Dieu fasse justice, c’est-à-dire, non pas que Dieu fasse du mal à ceux qui sont contre elles, mais plutôt le fait que, enfin, on puisse accorder du crédit à leur parole, qu’on puisse reconnaître le bien qu'il y a en elle. Et puis elles évoquent aussi une espérance de réconciliation. Donc c'est très lié aux relations, cette idée que souvent, dans des familles où il y a beaucoup, beaucoup de conflits, de divisions, il puisse y avoir une réconciliation.
Mais elles portent aussi une très forte aspiration à la réconciliation de toute l'humanité parce qu'elles savent bien ce que c'est que cette violence qui nous éloigne les uns des autres, que ce mépris qui nous éloigne les uns des autres. Et parfois, elles connaissent bien cette tendance que nous avons à légitimer la misère des autres en disant que c'est de leur faute, en faisant peser sur elles une culpabilité et donc qu'elles espèrent vraiment non pas la vengeance mais la réconciliation. Ça, c'est très frappant.
Alors je dirais que leur espérance pour la suite, l'espérance qu'elles placent en Dieu, c'est cette espérance à la fois de justice, au sens où Dieu va les justifier elles, mais aussi de réconciliation que seul Dieu peut opérer dans notre humanité tellement divisée, abîmée. Elles parlent peu de la résurrection au dernier jour.

Alors, ce qui est frappant, c'est que dans la tradition chrétienne, quand on parle de la résurrection, au dernier jour, de cette grande espérance de la résurrection de la chair, ces dimensions-là de justice et de réconciliation, elles sont bien présentes. Il me semble que ça nous aide alors à incarner un peu, à donner de la chair justement, à notre espérance de la résurrection de la chair, c'est à dire pas seulement à espérer une survie personnelle, une immortalité qui peut être très égoïste, l'Espérance que moi je vais continuer à exister. Pourquoi pas, mais ça reste très autocentré. Il me semble que la parole des personnes en précarité, nous aide à incarner cette espérance de la résurrection de la chair en voyant qu’il y a un travail de Dieu dans l'histoire et à la fin de l'histoire, en faveur de la justice, en faveur de la réconciliation.
Ça nous aide, à nous chrétiens, parler de la résurrection, non pas dans quelque chose qui resterait très centré sur nous-mêmes, mais qui s'ouvre à toute l'amplitude de l'action de Dieu dans l'histoire où il y a l'enjeu de la justice, l'enjeu de la réconciliation, et puis l'enjeu d'une vie capable de traverser toute la violence, toute la violence.
Quand les personnes que je rencontre, qui connaissent la précarité, quand elles évoquent la Pâque de Jésus, c'est sa croix en général qu'elles évoquent avec au moins deux choses.

La première, c'est la conscience que Jésus est mort de leur souffrance, que la croix de Jésus, c'est la croix de tellement de gens. En fait, la manière de mourir de Jésus n'est pas originale. Jésus meurt de la mort de tant et tant de pauvres. Ça c'est une source de force pour les personnes en précarité de savoir que alors que tout leur fait signe qu'elles sont loin de Dieu, loin du monde commun, loin de la vraie humanité. En fait, Dieu est venu là.

Et il y a une deuxième chose c'est ce qui singularise précisément Jésus dans sa mort. C'est l'amour dont il a témoigné, le pardon dont il a parlé. Ça, les personnes, elles savent que c'est incommensurable avec notre expérience. C’est source de force pour elles aussi. Et donc, elles parlent finalement assez peu de Jésus ressuscité. Elles parlent plutôt de comment la croix de Jésus aujourd'hui nous fait vivre, nous nous donne de la force à nous. Ça me semble en fait une très belle entrée dans ce mystère de la résurrection. Parce que quand le Nouveau Testament parle de Jésus ressuscité, il évoque finalement très peu Jésus. Il donne très peu de détails sur Jésus. En revanche, il raconte bien plus longuement comment la Pâque de Jésus, sa croix et sa résurrection donnent de la force à d'autres et constituent d'autres comme témoins et de la croix de Jésus et de sa résurrection. Autrement dit, la première traduction de la résurrection de Jésus, c'est que la vie du Crucifié passe en nous, que cette vie-là, nous la recevons, nous la partageons et qu'elle nous fortifie. Et ça, les personnes dans la galère, elles le disent quand elles parlent de Jésus.

Image : Détail de l'oeuvre "Jardin de la métamorphose ", Aqua. et feuilles d'or sur Arches 3 x 153H x 103L cm, 1994, Coll. de l'artiste. Jean-Paul Agosti
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