Topo 2 - Regarder l'ordinaire et y voir l'extraordinaire

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Bonjour à toutes et à tous. Ce podcast est la reprise du topo de la deuxième semaine de l’Avent. Nous parlerons de la manière dont nous pouvons regarder l'ordinaire pour y voir l'extraordinaire.
L'ordinaire est une suite d'habitudes, de routines, de choses connues. C'est bon d'avoir un rythme, des repères, des amis. C'est une sécurité, une nécessité. Mais alors, comment comprendre le surgissement, l'exceptionnel, l'extraordinaire, puisque je suis dans l'ordinaire ?
Comment comprendre Noël puisque nous fêtons un événement extraordinaire la naissance d'un bébé né d'une femme vierge et qui vient sauver le monde ? Nous allons voir que l'extraordinaire n'est pas et ne peut pas être en dehors de l'ordinaire. Il y est mêlé. Et si c'est vrai pour nous, c'était vrai pour les Hébreux de l'Ancien Testament et de la Bible. Ou si c'est vrai pour les Hébreux, c'est vrai aussi pour nous. À vous de voir comment les allers retours entre la Bible et votre vie est le plus riche
Au XIXᵉ siècle, l'arrivée du train a causé beaucoup de débats. On pensait que la vitesse des wagons serait trop importante pour le corps humain. Jamais les voyageurs ordinaires n'avaient dépassé les 30 kilomètres heure. Aujourd'hui, nous traversons la campagne avec une allure de 300 ou 320 kilomètres/heure avec le TGV.
Personne ne remet en cause cette vitesse, si ce n'est certains qui disent qu’à une telle vitesse, il est impossible de regarder le paysage. Il se joue presque la même chose entre la marche à pied et le vélo. Personnellement, j'aime bien me déplacer en vélo, à la campagne ou en ville. C'est commode et relativement rapide. Mais j'ai noté deux choses avec le vélo : j'observe moins et surtout, je pense moins.
Je crois que la vitesse du cerveau est celle des pieds. Sur le chemin de Saint-Jacques, c'est fascinant de voir combien les marcheurs réfléchissent à ce qu'ils sont, à ce qu'ils ont fait dans leur vie, à leurs expériences. Le paysage devient inspirant et riche. Évidemment, la campagne est belle là-bas, mais je crois surtout que c'est la vitesse des pieds qui permet de voir les nuances de la vie.
La vitesse et le sens de l'observation vont de pair. Sans vouloir faire de mauvais jeux de mots. Je vous propose de nous mettre à cette vitesse des pieds. Rentrons dans un métro, membre de cette foule qui, le lundi matin, part travailler, sérieuse. Chacun essaye de prendre sa place dans des rames pleines à craquer avec ses écouteurs. Chacun est connecté à ses vidéos rapides sur les réseaux sociaux. Au moment où retentit le signal sonore. Une poussette jaillit dans la rame. Une poussette, ce n'est pas fait pour le métro… Pas à cette heure-là… Mais en général, les gens ont un fond de politesse. Ils se poussent pour faire un peu de place. Le bébé semble être le seul amusé par cette situation. Il regarde partout autour de lui. Il a les yeux qui ribouldingue. Il ose même sans complexe, sourire aux passagers en face de lui. Je crois qu'il me regarde. Je suis un peu gêné… Je tourne la tête, je regarde une vidéo de plus. Mais son regard est fixe et il me sourit dès que je lève le nez. J'ai peur de trop me dévoiler à répondre à ce sourire et en même temps, il est tellement mignon. Je ne résiste pas. Je me fissure. J'ose regarder sa mère et lui sourire. Dans un élan mystérieux, je lui demande le prénom de ce petit bout de chou. Il ne lâche pas le morceau, m'avoir fait craquer ne lui suffit pas. Contagieux de sourire, il se met à regarder ma voisine et à lui sourire également. J'interpelle donc ma voisine et l'invite à répondre au sourire du petit, avec un regard. Je rêve à ce moment-là de me baisser au niveau du bébé et de lui renvoyer des sourires.
Imaginez en plus que tout le métro s'arrête à ce moment-là. La panne ! En plein rush du lundi matin. C'est drôle la réaction que provoque l'arrêt du métro. Les gens se regardent. Parfois même, ils se parlent. Pour notre bébé, ce serait la fête.
Cette scène est très ordinaire. C'est même une anecdote, une histoire sans prétention. Et pourtant, il s'y cache des forces que nous n'imaginons pas. Dans le monde de la défiance et de l'individualisme. En tout cas, c'est la caricature que je propose à travers cet exemple un enfant va tout changer. Le plus faible, le plus délicat, a eu le plus d'autorité. Avec ses yeux, il m'a manifesté sa confiance, il m'a souri, il a souri à la vie. Il m'a redit l'essentiel, Il m'a remis dans la confiance. Quel paradoxe ! Le plus petit a eu le plus d'autorité. Une faiblesse peut tout changer. Quelle affirmation ! Quelle folie ! Il est nécessaire de regarder où cette réalité est à l'œuvre.
On dit classiquement qu'une forêt qui pousse ne fait pas de bruit, mais qu'un arbre tombe avec fracas. Le bien, quand il passe, ne fait jamais de bruit. Le mal est toujours tonitruant. Il se fait remarquer. Nous avons donc à nous entraîner pour chercher « le petit » qui passe inaperçu. Chacun de vous, chacun de nous a des exemples de cette phrase sympathique, de ce regard amical qui encourage, de cette présence invisible et quotidienne du soignant. Nous avons à éduquer notre sensibilité à ceux qui la sollicitent le moins, à ce qui ne fait pas de bruit, à ceux qui n'attirent pas les flashs. Pour observer lucidement la vie sans perdre espoir, je tiens personnellement à l'affirmation que je vais y trouver quelque chose de bon. Ce n'est pas vrai de dire que l'ordinaire est vide. Ce n'est pas vrai de dire que l'extraordinaire est hors de l'ordinaire. Certes, impossible pour moi de prouver la présence de l'extraordinaire. Si vous ne voulez pas le voir, je ne peux pas vous le montrer. Je vois celui qui est à ma porte, mais je ne peux pas voir celui du voisin.
C'est une responsabilité personnelle de regarder l'extraordinaire dans l'ordinaire. Chacun de nous est responsable de l'extraordinaire de sa vie. Chacun de nous en est l'unique bénéficiaire et l'unique lecteur. Si je ne fais pas le travail de noter cet extraordinaire, il tombe dans l'oubli. Pas grave… Un autre extraordinaire viendra frapper à ma porte !
Concrètement. Il ne faut pas avoir peur de l'anecdote, d'un mot qui surgit dans une journée, d'une idée qui traîne et reste là. Je me souviens d'une expérience originale alors que j'étais adolescent et pas très croyant. Dans la chambre de mes parents, je passe devant la photo de mon arrière-grand-père. L'homme est assis devant un piano, visiblement, il joue. Je ne m'explique pas pourquoi, ce jour-là, je me suis retrouvé dans la photo. J'ai entendu le son du piano et surtout, j'ai reçu cette conviction intérieure que dans le monde de cet homme, Dieu existe.
Sur le moment, je n'ai rien fait de cette expérience. Imaginez cet ado encombré par ses questions spirituelles pour lui affirmer que Dieu n'existe pas est plus commode. Mais dans une journée normale, j'ai expérimenté l'existence de Dieu dans le monde de mon arrière-grand-père. À l'époque, je n'ai raconté cette expérience à personne. Vous imaginez bien que j'avais trop peur de passer pour un fou. Mais aujourd'hui, je vous le dis, ces expériences sont tout à fait ordinaires, même si c'était vraiment extraordinaire.
Je suis né à la campagne, dans un village qui n'est jamais passé dans le journal télévisé quand j'étais petit, selon moi, évidemment, je n'avais pas de choses intéressantes à vivre puisque les médias ne parlaient jamais de ma région. Vivre de l'extraordinaire était réservé à ceux qui étaient sur les pages des livres d'histoire ou à la télévision.
L'extraordinaire, c'est ce qui nourrit un journal télévisé. Imaginez qu'on passe un cran au-dessus en termes de prestige. Je ne parle plus d’apparaître dans un journal de 20h, mais des personnes qui sont dans la Bible. Ce n'est plus de l'extraordinaire, c'est hors du commun, inatteignable à la limite du réel. J'ai clairement dû déconstruire cette perception de la Bible et des événements qu'elle relate.
Il m'a fallu du temps avant de me dire que c'était des gens normaux.
Je vous cite quelques exemples. Amos est un prophète, mais au moment où surgit sa vocation, il est en train de garder ses bœufs, ce qui était son métier à l'époque. La tentation était simple de dire : « Je m'occupe de mes bêtes, je ne vais pas parcourir tout Israël pour annoncer la bonne nouvelle ».
Il a eu l'audace de laisser ses bœufs. Le roi David, c'est le dernier d'une famille nombreuse. Quand Samuel arrive chez lui, toute la famille l'a oubliée aux champs. Le petit dernier, ce n'est quand même pas lui qu'on va choisir. Eh bien, Samuel insiste, et c'est David qui est finalement choisi pour être roi d'Israël.
Je ne vous parle pas non plus de cette jeune fille, fiancée à Joseph dans l'anonymat le plus complet d'une toute petite ville de province. Pourquoi aller la choisir cette jeune Marie.
Évidemment, toutes ces personnes sont devenues de grands noms, des références, des personnages connus. On est tenté de discréditer le rapport entre leur vie ordinaire et la mienne, puisqu’eux, ils sont devenus quelqu'un. Justement, ils ont réussi à prendre un chemin exigeant et beau grâce à leur capacité d'entendre dans l'ordinaire, du troupeau ou de la maison, l'extraordinaire invitation qui leur était faite.
Nous sommes invités à vivre du même état d'esprit, de la même flamme qu'eux. Oui, je peux oser parler à mon voisin de métro, soulever une situation injuste à mon travail, oser corriger un rapport ou un avis au prix du débat ! Oui, je peux me lever contre telle injustice au pied de ma porte en souriant à un sans-abri.
Il est possible, par ses petits gestes, de commencer un chemin, d'entendre que Dieu nous appelle à vivre une vie de qualité. Je ne sais pas quelle forme cette vie prend chez vous, mais elle est là, cette vie ! Déjà ici, extraordinaire ! Elle ne commence que dans du tout petit, et ce n'est pas à pas avec la grâce de Dieu que ce petit pour agrandir.
Dieu ne nous demande pas de faire l'impossible. Il nous invite à ne pas craindre de vivre aujourd'hui là où lui est déjà.
Noël est la fête où il n'y a presque rien à voir. Simplement, un tout petit nourrisson, un humain qui est bien là mais qui n'a encore rien fait. Aucune œuvre. Que de la dépendance.
Marie et Joseph ont su regarder l'immense promesse de vie que cache chaque petit humain qui arrive sur notre terre. Ce petit Jésus a suivi les rails de l'ordinaire. Marie et Joseph ont su percevoir un extraordinaire.
Toute cette semaine, à l'aide des podcasts quotidiens. Nous prions pour que le Seigneur ouvre nos regards à sa présence dans nos vies. Ce mardi 12 décembre, Isaïe nous parle avec des images simples, ces routes tortueuses qui deviennent droites, ces trajectoires que nous connaissons bien et qui, pour certains, se sont aplanies. Le mercredi nous fera entendre que le poids du jour est facile à porter avec le Seigneur. Dieu lui-même allège déjà ma charge et ce n'est pas si facile de repérer cette aide dans mon ordinaire. Ce jeudi, le Dieu de L'ancien Testament prend la peine de parler directement pour nous dire « Ne crains pas ». Dieu est là et travaille avec moi. Sa présence extraordinaire est toute proche. Vendredi, c'est la danse qui nous aidera à prier. Jésus nous place devant une piste et nous invite à nous positionner. J'entre ou non dans la danse de la vie. J'entre ou non avec lui. Samedi, nous pourrons relire la semaine pour entendre comment Dieu nous a rejoints dans l'ordinaire. Il y a sans doute eu des gestes positifs qui m'étaient adressés. Les ai-je repérés et d'autres signes que j'ai eu l'audace d'envoyer.
Passez une très bonne semaine de retraite et à lundi prochain.

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